Textes 1980 – 2000
La légende du rose pour Jacques Vimard – Bernard Noël 1997
« la main posée pose une empreinte
et celle-ci descend fait embellie dans l’épaisseur puis
la voilà une ombre qui fuit avec le fond
de tout cela le rose raconte quelque chose
quand il en fait remonter la douceur
iI colore la lumière alors diffusée par la chair
le rose pourtant n’est pas une couleur
c’est l’échauffement du regard à l’instant
où il voudrait devenir le toucher tout entier
le rose ne doit rien à la rose qui
n’est pas rose si souvent mais plutôt éphémère
désir de s’évader du temps en déniant son nom
rose est peut-être le nom de cette évasion
de ce glissement qui s’effeuille en caresse
et soudain rosit de se voir agissant
mais quel acte rosirait ainsi le regard
par un transport de derrière les yeux
sait on dans quel organe viennent et vont les images
rose peut-être la pensée en mal d’amour
et rosissant de voir s’élever de la chair
la chose verbale droite comme une fleur
que font briller les pensées qui s’accouplent
dans la poche infinie repliée dans la tête
poche sans poche à la rougissante paroi
rose du suintement pensif qui coule
vers la main quand elle s’encre tout à coup
de la goute que le piquant tire du bout des doigts »
(Les yeux dans la couleur, Editions Pol 1997)
Agustin Gomez-Arcos Paris, février 1995
« Dans le temps, on se penchait sur la peinture de Vimard comme sur un jardin secret, voire mystérieux, et ceci malgré sa luminosité d’espace clos atteint en plein cœur par une lumière vive : la lumière du zénith, que certains (et, parmi eux, moi-même) appellent l’inspiration. Une peinture lumineuse et inspirée, voilà la flagrante impression qu’on retirait de ces tableaux, parcourus du regard lors d’une brève visite à l’atelier du peintre ou à l’occasion de leur exposition en salle. Les titres de ces toiles, volontairement poétiques, vous en persuadaient davantage (si besoin était) au cours de cette première approche d’un univers d’artiste solidement ancré dans le lyrisme. Aujourd’hui, ce ciel paisible, illuminé de l’intérieur par une constante gamme de couleurs pastel (quoique parfois subitement assombri par l’irruption brusque et soudaine de l’éclipse), semble se lézarder, comme en période d’orages, par des éclairs d’obscurité aussi brefs que violents, et qui ne sont, picturalement parlant, que de tout nouveaux gestes introduits par l’artiste dans son serein langage habituel, lui octroyant du coup un supplément inattendu de force et de jeunesse. Cette gestuelle, jusqu’à présent inédite dans la peinture de Jacques Vimard, introduit dans son œuvre des éléments ouvertement figuratifs se mélangeant hardiment à sa nature nettement abstraite. On dirait qu’au lyrisme lumineux de l’abstraction classique s’est joint, en cours de route, un compagnon beaucoup plus inquiétant et romantique, une sorte de synthèse plastique (si j’ose dire !) du beau ténébreux et du bandit de grand chemin : le pur geste figuratif. Comme l’image en littérature, ce geste pictural, qu’on pourrait croire contre nature, rend la lecture de l’œuvre plus passionnante qu’auparavant, plus vive et plus complexe. Comme un trait de couleur qui deviendrait, dans le miroir de notre regard, une métaphore plastique. L’image en soi, abstraite et pure.
Une fois de plus, l’abstraction lyrique de Vimard baigne dans ces eaux-là, aussi transparentes qu’insondables. »
Lettre de Jean Vautrin à J. Vimard, 1993
« Je vais aller voir l’exposition de Jacques que j’aime plus que tout parce qu’il est de cette sorte de voyageur sans boussole que j’aimerais rejoindre pour faire quelques kilomètres de solitude
avec lui. »
Lettre de Gérard Mordillat à J. Vimard
« Jacques,
Tu as eu raison de changer ton prénom : Rose Vimard, ça en jette et tes collègues Vert Véronèse et Bleu Klein ne peuvent que frétiller des nageoires en te voyant rejoindre la corde magique des peintres pour qui la couleur est tout.
Et quand je vois ta dernière expo, je n’ai pas besoin d’invoquer Gombrich ou Panovsky pour comprendre combien elle est tout pour toi, de Viva la Rose au rose tragique envahi du soleil rose de ta mélancolie. Ce que tu fais est rare, ça me touche beaucoup.
Je t’embrasse. »